Artiste photographe ou photographe d’art.
Ce sont bien deux options, deux regards différents car les buts ne sont pas du tout les mêmes. Le photographe d’Art est souvent un peu plus qu’un excellent technicien. Il appuie son travail, à la fois sur une réelle culture de l’Art, et tout à la fois doit maîtriser parfaitement la technique photographique. Son travail est de produire des images de catalogue (ce n’est pas péjoratif du tout, au contraire), extrêmement précises et parfaitement fidèles au sujet photographié (donc pas de jeux de lumières, pas de dominantes, pas de jeux d’ombres…).
Ce n’est pas mon approche de l’architecture.
Déjà, je vois de l’architecture un petit peu partout dans ce que l’homme a construit ou aménagé, mais pas seulement. Une maison, sur le coté d’une place, avec une fontaine ou un platane devant, peut me suffire pour que je puisse là, créer, produire, capter les éléments d’une photo totalement dédiée à l’architecture. Mais une maison toute seule, en Ariège dans le creux d’une vallée, elle aussi me va bien. Je vais laisser mon esprit s’imprégner des grandes lignes, des perspectives, des éclairages naturels de jour ou des lampadaires la nuit et je vais traduire tout cela. Non pas le photocopier, mais le montrer tel que je le ressens, tel que mon cerveau va l’accepter, tel que je le vis.
J’attache une très grande importance à la musique de ma photo. Elle doit capter, non pas la colonne de pierre ou la fontaine dans la pergola, mais l’âme du lieu, sa respiration, ses émotions. Pour cela, j’écoute la musique qui s’en dégage. C’est cela qui compte pour moi.
Alors lorsque je me prends au jeu, dans une cathédrale, ou un musée, sur un pont ou en dessous, j’ai envie de faire disparaître tous les contenus qui se trouvent entre les grandes lignes de force. J’aimerais ne conserver que des grands traits noirs ou rouges qui écrivent des lignes invisibles projetées vers l’infini. Ces tracés irréels projettent mon esprit loin, très loin dans l’univers de l’illusion. C’est grâce à la photo que je peux réconcilier le rêve (illusion, projection), et le réel (pierre, béton, métaux…). Pour des photos d’architecture intérieure ma démarche est identique. Je ne vais pas bâtir mon travail à restituer la couleur exacte des rideaux ou le cuir des canapés. C’est ce que dégage le lieu qui va prendre le dessus ; la douceur, les jeux de lumière soit du soleil, soit celle de la jolie petite lampe posée sur la cheminée, le rideau légèrement gonflé par l’air du dehors que laisse passer la fenêtre entrouverte, la vie que l’on retrouve par ce livre ouvert posé sur l’assise d’un fauteuil…
Bien entendu, je n’utilise jamais de flash, ni quelconque éclairage d’appoint. Ces lumières brutales ont pour premier effet de détruire toute part de rêve, tout équilibre d’harmonies. Elles s’obstinent à vouloir restituer le détail là ou je cherche l’esprit, la couleur de l’architecte là où seule l’ambiance parle à mon cœur, la nature des matériaux lorsque je n’en cherche que la musique. A ce moment, la boucle est bouclée. Il y a le photographe dont chaque cliché va disséquer, expliquer, démontrer… le cliché scientifique, et nous en avons besoin pour nos musées, nos manuels, nos écoles d’architecture…
Et puis il y a l’artiste photographe qui va jouer au contraire avec tout cela, qui va s’approprier de fantastiques jeux de couleurs, des nuances qui ne dureront qu’un seul instant… C’est dans ce registre là que je me situe.